Le M23 vient d'administrer une nouvelle fois la preuve qu'il est un va-t-en guerre et que la reprise des pourparlers de Kampala lui sert de trêve avant la relance des hostilités. C'est ce qui ressort de nouvelles conditions qu'il pose pour accepter de déposer les armes. Il s'agit de la neutralisation des FDLR et du retour des réfugiés tutsis congolais du Rwanda. Non seulement c'est irréaliste et inacceptable par Kinshasa, mais encore, c'est la confirmation du rôle de filleul de Kigali que joue le M23. Il a endossé le sempiternel argumentaire que son parrain a toujours embouché pour justifier sa présence militaire chez son voisin et dont le soubassement est la balkanisation dudit voisin.
   
Le M23 s'est disqualifié. C'est le moins que l'on puisse dire. Ce groupe armé à la solde de Kigali vient, à la veille de la reprise des pourparlers avec le gouvernement, de poser deux nouvelles conditions comme préalable à la cessation définitive des hostilités qu'il a déclenchées en 2012 dans la province du Nord-Kivu.

Le voile se déchire

Il parait de plus en plus clair que le M23 passe pour un épouvantail qu'agite Kigali pour dissimuler son action déstabilisatrice de la région des Grands Lacs où il a commis et continue de commettre de nombreux crimes. Le M23 a commencé son aventure guerrière, d'abord sous le couvert d'une mutinerie de quelques dizaines d'officiers et soldats. Chemin faisant, il s'est transformé, ensuite, en une rébellion surarmée, comptant des milliers d'officiers et d'hommes de troupes.

A la lumière de l'évolution de la situation et de la survenance de certains événements, ces deux étiquettes se sont révélées fausses. L'opinion n'est plus dupe.     Après avoir longtemps entretenu le mystère autour de son action, le M23 a fini par se dévoiler. Preuve, ses nouvelles revendications en rapport avec la reprise des pourparlers de Kampala.

Il se dit prêt à déposer les armes et à retourner à la vie civile, comme exigé par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), à condition, insiste-t-il, que Kinshasa apporte une réponse claire et précise sur deux questions : la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et le retour du Rwanda des réfugiés congolais tutsis. C'est ce que rapporte l'AFP, citant le chef rebelle, Bertrand Bisimwa.

Ce virage à 180 degrés démontre pour ceux qui voulaient tomber dans la méprise, que le M23 n'est qu'un va-t-en guerre au service de Kigali qui l'a armé pour sous-traiter le plan de balkanisation de la RDC. Devant jouer son rôle jusqu'au bout, il ne s'est pas gêné, le moins du monde, de jeter dans la poubelle le premier contenu de son cahier des charges relatif à la non application de l'accord du 23 mars 2008 qui liait le CNDP et le gouvernement.

«La plupart de nos militaires n'ont pas eu pour vocation de faire l'armée. S'ils se battent, c'est pour revendiquer le retour de leurs parents et pour la sécurité de leurs villages », a indiqué Bertrand Bisimwa. Toujours d'après la même source, le M23 demanderait aussi un « plan Marshall pour l'Est du pays », « financé par les ressources locales » de façon, soutient-il, d'assurer la sécurité et la reconstruction.

 Il faut vraiment être aveugle pour ne pas lire entre les lignes cette nouvelle stratégie destinée à entretenir le statu quo, à savoir les tensions qui, à la moindre étincelle, mettent le feu aux poudres. Par ces manœuvres dilatoires, le M23 a choisi de piéger aussi bien Kinshasa que la communauté internationale. Autant il accepte de revenir aux pourparlers de Kampala autant il en obstrue la voie en posant des conditions qu'il sait inacceptables.

De quel droit se fait-il le défenseur des populations de souche rwandophone réfugiées au Rwanda et l'adversaire avoué des FDLR ? C'est qu'il veut se substituer à la fois au gouvernement de Kinshasa et au régime de Kigali.  S'agissant des FDLR, l'on se souviendra que les opérations « Amani Leo, Kimia I et II » n'ont donné aucun résultat. C'est la preuve que le M23 est véritablement en débandade. Aussi, comme un diable dans un bénitier, il s'agite dans tous les sens, espérant se frayer une issue de secours, notamment en s'attirant la sympathie d'une seule couche de la population congolaise forte de plus de 450 tribus et ethnies.

La revendication du M23 aurait trouvé un sens si ce mouvement à la solde de Kigali s'était également fait l'avocat de près de 2 millions de Congolais en errance dans la sous-région, tant au Rwanda, en Ouganda, en Tanzanie, qu'au Burundi. Comment justifierait-on cette indifférence sur les souffrances qu'endurent les Congolais d'autres souches que tutsie ? Le gouvernement traite de cette question sans regarder les appartenances tribales. Qu'adviendrait-il si chaque ethnie ou tribu déciderait de prendre les armes pour rentrer à la maison ?

Derrière ces nouvelles conditions du M23, il y a encore et toujours la main invisible du Rwanda qui ne peut pas accepter le retour d'une paix durable dans les Grands Lacs. Aussi tente-t-il toujours d'agiter au vent, cette fois par le biais du M23, de cet épouvantail qui a fait en son temps son fonds de commerce à savoir le génocide rwandais et la menace sécuritaire que représenteraient  les FDLR à son régime.
 
La communauté internationale qui cherche à le protéger devrait répondre à ces questions que se pose l'opinion congolaise. Est-ce pour ces nouvelles conditions que le M23 a mis à feu et à sang la province du Nord-Kivu ? Peut-il encore se prévaloir d'une quelconque légitimité lorsqu'il ramène ses revendications sur une base totalement identitaire,  s'écartant de ce qui a toujours fait son crédo, c'est-à-dire l'accord signé à Goma le 23 mars 2009. Le gouvernement a du pain sur la planche. Son vis-à-vis à Kampala est un roublard qui, comme ses parrains rwando-ougandais, n'a que faire de la paix.

Le Potentiel

(TN/TH/GW/Yes)