L'opposant rwandais, Faustin Twagiramungu. © DR Deux opposants rwandais exilés, dont l'ancien Premier ministre Faustin Twagiramungu, s'apprêtent à annoncer leur arrivée à Kigali d'ici à la fin juin.
Après dix ans passés en exil en Belgique, l'opposant hutu rwandais Faustin Twagiramungu veut désormais rentrer au
Rwanda. Le fondateur de la Rwanda dream initiative (Initiative pour le rêve rwandais, RDI-Rwanda Rwiza) a prévu de l'annoncer officiellement lors d'une conférence de presse, jeudi 28 mars à Bruxelles.
Gérard Karangwa Semushi doit venir des Pays-Bas, où il réside, pour se joindre à cette annonce. Il est le vice-président du Pacte de défense du peuple (PDP-Imanzi, une autre formation d'opposition non reconnue par Kigali) dont le chef, Déo Mushayidi, purge une peine de prison à perpétuité au Rwanda après avoir été reconnu coupable, en 2010, de recrutement d'une armée pour agresser le pouvoir en place. Les deux hommes ont prévu d'arriver à Kigali aux alentours de la mi-juin et « en tout cas avant fin juin », assurent-ils.
Crainte de complot
Avant le génocide des Tutsis en 1994, Faustin Twagiramungu était un « hutu modéré », partisan d'un accord de partage du pouvoir avec la rébellion tutsie du Front patriotique rwandais (FPR). C'est sans doute en partie ce qui lui a valu sa nomination au poste de Premier ministre en juillet 1994 après l'arrivée du FPR au pouvoir. Démissionnaire en 1995, il s'était présenté à l'élection présidentielle de 2003 contre Paul Kagamé, l'actuel chef de l'État. Après avoir remporté 3,6% des suffrages (un chiffre qu'il conteste), il a quitté le pays, craignant d'être victime d'un complot.
L'objectif de ces deux opposants est pour l'instant modeste : obtenir l'enregistrement officiel de leur parti au Rwanda et faire entendre leur voix. Mais celle-ci risque bien de détonner dans un pays où l'évocation publique des « ethnies » hutu et tutsi reste, 19 ans après le génocide, un tabou qui tombe parfois sous le coup de la loi sur « l'idéologie du génocide ». « Le régime essaie de camoufler les ethnies, affirme ainsi Twagiramungu. C'est bon pour les étrangers. Mais les Rwandais savent qui est hutu et qui est tutsi. Et ils savent qu'aucun Hutu n'est au pouvoir. ».
Twagiramungu tient un discours tout aussi polémique sur l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana, qui a marqué le début du génocide. Selon lui, c'est le FPR qui en est responsable. Et peu importe si cette thèse, autrefois privilégiée par le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière, est aujourd'hui remise en cause par les expertises menées par le successeur de ce dernier, Marc Trévidic.
Victoire Ingabire, une autre opposante rwandaise rentrée d'exil avec l'objectif de se présenter à la présidentielle de 2010, a été condamnée à 8 ans de prison le 30 octobre dernier pour « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre et négation du génocide de 1994 ». Son procès en appel s'est ouvert le 25 mars. Mais l'affaire Ingabire n'effraie visiblement pas Twagiramungu. « Je ne sais pas quelle sécurité le pays va m'accorder, affirme-t-il. Mais s'il y a des poursuites, je les accepterai ».
Les deux hommes disent ne pas viser les élections législatives de septembre prochain (trop rapprochées, estiment-ils) mais le timing de leur annonce ne doit rien au hasard. Depuis juin 2012, le Rwanda est accusé par les experts de l'ONU sur la RDC de soutenir la rébellion congolaise du Mouvement du 23 mars. En dépit des démentis catégoriques et répétés de Kigali, plusieurs pays occidentaux ont suspendu une partie de leurs aides budgétaires directes.
Moment propice
Les deux opposants veulent croire que la « pression » ainsi exercée par les Occidentaux pourra jouer en leur faveur. « La communauté internationale commence à remarquer que la situation n'est pas si rose au Rwanda, estime Gérard Karangwa Semushi. Peut-être est-ce le moment opportun ».
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