Pour le parlement rwandais, le Rwanda est victime de la crise en RDC
Le parlement rwandais a sorti un rapport le 11 février 2013, qui fait suite aux allégations de la communauté internationale qui accuse le Rwanda d'appuyer en hommes et en armes la rébellion du M23 qui sévit à l'est de la RDC depuis plusieurs mois. Intitulé « rapport sur les injustices que le Rwanda subi à cause de l'insécurité qui règne à l'est de la République Démocratique du Congo ».
Les députés disent vouloir présenter à travers ce rapport les raisons qui poussent la communauté internationale à rejeter toutes les explications données par le Rwanda sur la situation à l'est du Congo. Le parlement rwandais annonce avoir fait le point sur ces accusations de la communauté internationale, par conséquent publie ses propres conclusions suite aux nombreuses recherches, au cours desquelles des imminents personnalités du régime ont été longuement et soigneusement entendus.
Les origines du rapport
Suite aux rapports répétés de la communauté internationale qui accusent le Rwanda d'être derrière la rébellion du M23, dernièrement secoué intérieurement, et qui se bat à l'est de la RDC depuis prés d'un an contre l'armée régulière congolaise, le parlement et le sénat rwandais ont voulu savoir un peu plus. Ainsi, ont été entendus à l'hémicycle du parlement le 04 décembre dernier, les ministres des affaires étrangères, des finances et le ministre de la défense James Kabarebe accusé par les experts de l'ONU d'être le véritable chef du M23. Convaincus des arguments fournis par les ministres notamment sur la non implication du Rwanda dans la crise à l'est du Congo, les comites exécutifs du sénat et de l'assemblée nationale se sont réunis le 07 décembre 2012 pour étudier les raisons qui poussent la communauté internationale à rejeter les explications fournies par le gouvernement rwandais pour se défendre contre les accusations sur son implication dans la crise à l'est de la RDC, c'est dans ce cadre que ce rapport a vu le jour.
« La crise à l'est de la RDC trouve ses racines dans l'histoire ».
Les députés rwandais expliquent au début du rapport que les problèmes à l'est de la RDC trouvent d'abord leurs origines dans l'histoire, avec la tracé des frontières par les colons qui ont imputé le Rwanda une grande partie de son territoire. « Avec les nouvelles frontières qui ont été tracées sans tenir compte des identités des habitants, une partie des populations parlant le Kinyarwanda (langue parlée au Rwanda NDRL) s'est retrouvée dans le Congo belge », explique le rapport. Les députés expliquent également que c'est à cette période qu'émerge ce que le régime de Kigali a l'habitude d'appeler « l'idéologie génocidaire (ingengabitekerezo) ». « C'est pendant la période coloniale qu'a commencé la propagation de l'idéologie génocidaire, qui s'est poursuivie dans la région avec l'arrivée des réfugiés rwandais sur le sol congolais en 1994, sous la protection l'armée française dans le cadre de l'opération turquoise » poursuiy le rapport à la page 21. En effet le rapport avance à la page 19 que la « propagation de l'idéologie génocidaire commençait au Rwanda avant l'indépendance, quand les colons belges ont inventé les ethnies (Abahutu, Abatutsi n'Abatwa), et les ont mentionnées dans la carte d'identité. Ils (les colons, NDRL) ont ensuite démontré que les Tutsi étaient des étrangers venus d'Ethiopie. Cette idéologie s'est accentuée en 1959, quand les colons n'ont pas voulu suivre les instructions des Nations Unies, et ont renversé le pouvoir en place pour mettre à la place les dirigeants qui pensent comme eux ». Le rapport explique que ce comportement des colons a eu comme effet, un acharnement sur les Tutsi qui ont vu leurs maisons incendiées. Menacés, de nombreux Tutsi se sont réfugiés dans les pays frontaliers notamment en Tanzanie, en Ouganda et surtout à l'est de la RDC, où était implantée une autre population parlant la langue rwandaise. « En RDC, les populations parlant Kinyarwanda ont commencé à se quereller à cause de la politique des autorités rwandaise visant à faire détester les Tutsi où ils se trouvent » (p.17).
L'hostilité inexpliquée de nombreux experts et ONG envers le régime de Kigali
Le rapport explique que depuis la conquête du pouvoir au Rwanda en 1994 par le Front Patriotique Rwandais, les écris hostiles au régime n'ont cessé de fuser de toute part, émanant principalement des ONG des droits de l'homme et certains experts des Nations-Unies. « Ces rapports viennent principalement des organisations non gouvernementales, la presse, les Nations Unies, les églises, les pays puissants, les chercheurs et les tribunaux internationaux. L'objectif est de salir le gouvernement, et le décrédibiliser sur la scène internationale » indique le rapport à la page 26. Les députés mettent en cause certains pays qui se cacheraient derrière ces organisations non gouvernementales pour rédiger les rapports hostiles au gouvernement. Ces députés mettent en cause également, la crédibilité de certains experts des Nations Unies qui selon eux seraientnt proches des « opposants rwandais ». Le rapport évoque l'exemple de l'américain Robert GERSONY qui a été chargé par les Nations Unies en 1994 d'enquêter sur les conditions de vie des réfugiés rwandais dans les camps de Tanzanie. Selon le rapport, ce dernier par son peu de connaissance de la région des Grands Lacs, » a livré un rapport rempli de mensonges visant à salir le régime de Kigali ». En effet, selon certains observateurs, le régime de Paul Kagame n'a pas digéré que Gersony mentionne dans son rapport de 1994 que, le Front Patriotique Rwandais a massacré plus de 30 000 personnes dans la préfecture de Kibungo en 1994, et que cette cruauté qui a marqué les populations réfugiées en Tanzanie, les a dissuadé à regagner leur pays par peur de subir le même sort. Gersony avait souligné dans son rapport en 1994, qu'à peu prés 250 personnes étaient tuées par jour dans la préfecture de Kibungo.
Le rapport revient également sur le cas de Roberto GARRETON, un expert qui a dirigé une commission d'enquête des Nations Unies chargée d'enquêter sur les violations des droits de l'homme entre 1996 et 1998 en RDC. Le rapport que Roberto Garreton a publié le 30 juin 1998, a donné lieu en 2010, à un autre rapport beaucoup plus volumineux appelé « Mapping Report », qui revient sur la façon dont les militaires du Front Patriotique Rwandais avec l'"Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre (AFDL)" ont exterminé plusieurs milliers des réfugiés hutus au Congo à partir de 1996.
Le rapport du parlement se prononce également sur le « Mapping report », un volumineux document de 700 pages publié en 2010 par les Nations Unies, et qui fait un inventaire des violations les plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1996 et juin 2003, et accuse les soldats de l'APR d'avoir perpétré « les crimes qualifiables de génocide ». Les députés disent que les experts ayant rédigé ce rapport ont démontré leur mauvaise volonté de mener une enquête minutieuse, et de vérifier méticuleusement les preuves et la crédibilité des sources et des témoins. « Les experts n'ont pris que 6 mois pour enquêter sur les crimes qui se sont déroulés sur 10 ans, et sur un énorme territoire mesurant 2.345.410 km2 » affirme le rapport à la page 34. D'après les parlementaires,le Mapping Report a pour bût de minimiser (gupfobya) le génocide tutsi en démontrant que les deux groupes ethniques (hutu et tutsi NDRL) ont perpétré des génocides ».
Le rapport dénonce également les conclusions du dernier rapport des Nations Unies accusant le Rwanda d'appuyer les rebelles du M23 au Congo. D'abord, les députés mettent en cause la crédibilité des experts ayant mené l'enquête sur le soutien du Rwanda à la rébellion dit de M23. Les auteurss'en prennent vigoureusement à Steven HEGE, qui dirigeait le groupe des experts. D'après les parlementaires, l'américain Steven Hege qui se dit « expert » des groupes armés n'a aucune compétence dans ce domaine puisque les organisations avec lesquelles il a travaillé, notamment « Jesuit European Social » et "Peace Appeal Foundation" n'œuvrent pas dans le domaine de groupes armés. p.53.
Les députés vont très loin en accusant Steven HEGE et un autre expert des Nations Unies connu sous le nom de Jason STEARNS, d'avoir voulu utiliser leur travail aux Nations Unies à des fins propres. D'après ce rapport, ces deux hommes voulaient en 2009 s'associer avec 15 autres experts congolais pour créer une société qui s'appelle "STEARNS & HEGE INC". Cette dite société qui allait selon le rapport œuvrer dans l'exploitation et le contrôle des pierres précieuses, devait se faire octroyer par les donateurs cinq millions de dollar (5.000.000US$). Steven Hege et ses associés allaient faire cette activité au bout de leur mandat en tant que experts aux Nations Unies, souligne le rapport. Les députés accusent également Steven Hege de se faire porte parole des FDRL, de salir le Rwanda en scandant partout que le pays est dirigé par un groupe « minoritaire des Tutsi venus d'Ouganda » ; de minimiser le génocide tutsi en disant que ce qui s'est passé en 1994 est une guerre civile.
L'acharnement calomniateur de certains pays contre le Rwanda
Le rapport met en cause certains pays puissants qui ne cesseraient de ménager leurs efforts afin que les sanctions soient prises envers le Rwanda. Le pays le plus cité dans le rapport est la France, pays qui selon le parlementa toujours fait pressions aux Nations Unies pour que les sanctions soient prises envers le Rwanda. Le rapport explique que les tous les projets de résolutions aux Nations condamnant le Rwanda dans le dossier M23 ont été presque toutes déposés par la France. Le rapport évoque aussi la Belgique, pays qui selon eux, a pesé de son poids pour pousser les autres partenaires du Rwanda à se montrer fermes sur le dossier M23. Le chef de la diplomatie belge Didier REYNDERS est accusé d'exhorter tout le temps le Rwanda de cesser tout soutien à M23, et de demander à ce que le Rwanda fasse pression sur le M23 afin de faire cesser la violence. Les députés disent ne pas comprendre pourquoi le chef de la diplomatie belge est convaincu que le Rwanda a une autorité sur le M23. Un autre exemple démontrant cet entêtement de la Belgique à accuser le Rwanda, c'est la demande faite par le président de l'assemblée belge André FLAHAUT le 21 décembre 2012 au ministre des affaires étrangères marocain Youssef AMRANI, lui exhortant à ce que son pays utilise son siège au conseil de sécurité pour faire comprendre la position du gouvernement congolais (p.72).
Le rôle des ONG, experts et chercheurs
Le rapport évoque également les pressions des organisations comme « Human Rights Watch » (HRW) », qui ne cesseraient de harceler les partenaires du Rwanda et la banque mondiale afin qu'ils maintiennent le gel de l'aide au Rwanda tant que ce pays continuera d'appuyer les rebelles de M23. Les parlementaires rwandais soulignent que le ressentiment de ces organisations envers le régime de Paul Kagame ne date pas d'hier, mais remonte de 1994 quand le FPR a conquis le pouvoir. « Ces deux organisations n'ont cessé de salir le Rwanda depuis 1994, mettant par exemple au même pied d'égalité le génocide contre les Tutsis aux crimes commis par les soldats du FPR » souligne le rapport (p.86).
Le rapport fait une énumération des personnes qui critiquent le régime de Kigali, et les accuse d'être en partie les responsables des maux dont souffre le pays, notamment en ce qui concerne les sanctions suite aux accusations visant le Rwanda à cause de ses liens avec le M23. « Ces personnalités sont responsables du gel d'aide au Rwanda par certains donateurs, car ce sont eux qui propagent des rumeurs visant à salir le pays, et donnent une mauvaise image du pays des milles collines sur la scène international ». Parmi ces méchants qui salissent l'image « glorieuse » du Rwanda, il y a en premier lieu les experts Filip REYNTJENS et André GUICHAOUA. Selon les députés, ces experts qui conseillent souvent les enquêteurs internationaux et les ONG, sont les principaux responsables des rumeurs et désinformations qui sont faites sur le Rwanda.
« Dans cette période où l'est de la RDC est en guerre, ces experts sont souvent invités sur des plateaux des chaines de télévisons, c'est souvent à ce moment qu'ils se livrent à une campagne d'intoxication et calomnie contre le Rwanda et ses dirigeants » note le rapport à la page 112.
En deuxième lieu le rapport évoque les connaisseurs de la région des Grands Lacs comme l'abbé Serge DESOUTER (qui détesterait amplement le FPR (« yanga urunuka FPR »), selon le rapport), le professeur Bernard LUGAN, madame Madeleine RAFFIN (vice présidente de la France-Turquoise), l'Allemand Dr Helmut STRIZEK, etc.
Les députés rwandais pointent également du doigt l'hebdomadaire "MARIANNE", le mensuel "Afrika International", le quotidien »The Guardian » qui seraient selon eux, « les « véritables propagateurs du sentiment anti Rwanda, anti FPR, et anti tutsi » (p.109-110). Les auteurs s'en prennent ensuite aux nombreux journalistes, qu'ils accusent de diffamer le Rwanda, de nier le génocide tutsi, et voient le Rwanda comme « l'instigateur (nyirabayazana) des troubles sans fin qui minent la région des Grands Lacs ». Il s'agit entre autre de Pierre PEAN, Charles ONANA, Marie-Roger BILOA, Stephen SMITH (France), Peter VERLINDEN (Belgique), Robin PHILPOT (Canada), Thierry VIRCOULON (d'ICG), A ces hommes des médias, le rapport ajoute les représentants des ONG "AMNESTY INTERNATIONAL" et "GLOBAL WITNESS".
Les parlementaires énumèrent également des associations de défense des droits de l'homme et de la société civile surtout rwandaise et congolaise, et les qualifient de « groupes négationnistes ». Il s'agit notamment d'AVICA (Assistance aux Victimes des Conflits en Afrique centrale); CLIIR (Centre de Lutte contre l'Impunité et l'Injustice au Rwanda) de Belgique, APARECO ("Alliance des patriotes pour la refondation du Congo"), Pro Justitia Rwanda (Pays-Bas); Justice et Réconciliation, Ibukabose (France), Collectif des Victimes des crimes de masse commis dans la Région des Grands Lacs Africains "COVIGLA" (France), FEIDAR (Fédération Internationale des Associations Rwandaises (France)), COJESKI (Collectif d'organisations des jeunes solidaires du Congo-Kinshasa), etc..
Les églises et le gouvernement congolais sur la sellette
Après l'énumération des pays, organisations internationales, ONG, médias et différentes organisations dela société civile, « qui se seraient engagés dans une croisade contre le Rwanda et son régime », le rapport revient sur » les églises congolaises », qui se seraient impliquées dans la campagne de « diffamation et diabolisation » contre le Rwanda, et accuseraient par conséquent le régime de Paul Kagame de mettre le Congo à « feu et à sang ». Pour appuyer leurs affirmations, les parlementaires donnent l'exemple d'une pétition du 12 juillet 2012 organisée par les églises de la RDC qui a recueilli plus d'un million de signatures, et dont le bût était de condamner le M23 et le Rwanda, « "les éternels criminels en RDC" qui menacent sa sécurité et sa stabilité » p.125.
Le gouvernement congolais et les élus locaux ne sont pas mis de côte par le rapport des parlementaires rwandais. « Ceux-ci, depuis le début de la guerre à l'est, n'ont cessé de crier dans tous les médias que l'ennemi de la RDC est le Rwanda ». D'après les députés, cette campagne de diabolisation du Rwanda a poussé certains congolais à agresser et piller les rwandais vivant sur le sol congolais. D'autres rwandais vivant au Congo « auraient été arrêtés, et obligés à signer des accusations contre le Rwanda ». P.128.
Dans sa conclusion, les parlementaires remercient le gouvernement pour « sa patience et sa clairvoyance » à ce moment où le Rwanda est accusé d'être la source de la nouvelle guerre qui secoue l'est du Congo, et y provoque une crise humanitaire majeure. Ils recommandent aux Nations Unies d'exclure parmi ses experts enquêtant sur « les groupes armés », Bernard LELOUP, » car son antipathie envers le Rwanda et son président ne serait pas un secret.
Si ce rapport des parlementaires rwandais semble refléter la position défendue par le régime de Paul Kagame sur tous les sujets, il a au moins le mérité de reconnaitre publiquement à la page 84 que, le Front Patriotique Rwandais a commis également des crimes, ce que le régime a toujours nié jusque-là.[1]
Jean Mitari
Lire l'intégralité du rapport en Kinyarwanda
[1] « Kuva mu kwezi kw'Ukuboza 1994, HRW yatangiye ibikorwa byo guhimbira u Rwanda ibinyoma bashyira jenoside yakorewe abatutsi ku rugero rumwe n'ibyaha byakozwe na bamwe mu basilikare ba "Rwandan Patriotic Army" »
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