Dessin d'audience datant du 4 février 2014 à Paris, montrant Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour le génocide de 1994 ( AFP/Archives / Benoit Peyrucq)
La défense de Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour le génocide de 1994, a méthodiquement mis en cause jeudi le "château de cartes" des témoignages pour demander aux jurés de l'acquitter en se révoltant contre "l'enjeu politique".
Au lendemain d'un réquisitoire implacable de l'accusation, qui a requis la perpétuité contre un "génocidaire négationniste", les avocats Alexandra Bourgeot et Fabrice Epstein ont entrepris de fragiliser les témoignages des Rwandais qui ont défilé pendant deux semaines à la barre.
Car dans ce dossier sans victimes directes (seules cinq ONG sont parties civiles), les témoignages sont capitaux. "Et on n'a jamais vu témoins aussi fragiles", attaque Me Bourgeot. "Et vous n'avez pas à faire avec, pas parce que c'était il y a 20 ans, qu'ils viennent de loin ou ne parlent pas la langue", a rétorqué l'avocate.
Photo non datée de Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour le génocide de 1994 ( Interpol/AFP/Archives / Ho)
"Il ment comme un arracheur de dents". "Bon, décidément on n'arrivera pas à savoir hein". "En tout cas, ça ne colle pas". "Il a subi la lobotomisation à la rwandaise". L'avocate refait le tour des témoins, soulignant volontiers le côté "fastidieux" de l'exercice. Elle insiste sur les plus fragiles, et il y en eut, avec l'objectif de les décrédibiliser tous, même les plus embarrassants, et il y en eut aussi.
"Comment vous faites le tri? Il y en a qu'on détecte tout de suite. Mais comment on fait avec ceux qui mentent bien? Vous devez rendre une justice exemplaire. Il n'y a pas de tri à faire. Vous allez devoir rendre une décision et cette décision elle devra être solide, pas un château de cartes".
- "Certitudes de complaisance" -
"Rien ne permet d'établir avec certitude ces infractions. Ce n'est pas à la défense de vous fournir un scénario, c'est à l'accusation de fournir la preuve", renchérit Me Epstein, fustigeant "la pensée unique qui a régné dans ces audiences".
Il dénonce une entreprise de salissement de son client. "Il faut à l'accusation un coupable à la hauteur de l'accusation. Et comme c'est le premier, pas un petit coupable, (...) non un très méchant".
Vue en date du 27 février 2004 des crânes de victimes du génocide rwandais au mémorial de Nyamata ( AFP / Gianluigi Guercia)
Mais "pour condamner il faut avoir des preuves, pas des demi-preuves (...) des preuves éclatantes. Or, le doute doit profiter à l'accusé, vous ne pouvez vous satisfaire de certitudes de complaisance". "Tout ce que vous avez, c'est la rumeur et la mauvaise réputation".
Et d'avertir les jurés qu'ils devront motiver leur décision, en s'en prenant violemment à l'accusation. "On vous demande un jugement exemplaire. (...) sinon l'Etat français il ne sera pas content, l'Etat de Kigali non plus".
"Mais vous ne jugez pas la France de 1994", accusée par le Rwanda post-génocide d'avoir soutenu et protégé le régime hutu génocidaire. "Vous comprenez bien que l'enjeu est politique".
Alors, l'avocat en appelle à la révolte des six jurés populaires, laissant entendre que les trois magistrats professionnels pourraient les "manipuler". "Ne vous laissez pas impressionner. Votre bulletin de vote sera brûlé après chaque tour. J'ai besoin de cinq +non+, ce +non+ des grands hommes quand ils ont décidé de cesser d'être petits".
Hors prétoire il sera plus direct. "Depuis le début le président (de la cour Olivier) Leurent a envie de se faire l'accusé. Il faut le dire simplement, ce n'est pas quelque chose qu'on peut dire devant une cour d'assises, mais on peut le dire en sortant".
http://www.boursorama.com/actualites/proces-rwanda-la-defense-insiste-sur-les-doutes-appelle-a-la-revolte-des-jures-b43c0fe685799e1809fca9f898db909c
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