Rwanda : les femmes payent cher pour se marier
C'est inédit dans la culture rwandaise ! Selon Jeannine Uwanyiligira, activiste des droits de l'homme, on exige de la jeune fille un vélo, tous les meubles, toute la literie…"Actuellement c'est de pire en pire. Avec le courant électrique qui arrive dans divers coins de la région, on demande aux filles des familles aisées d'apporter aussi les moulins", s'exclament les filles de Nyamata, chef lieu de Bugesera.
Mariages de raison
"En plus, le jour du mariage, ne pas donner un bon repas au beau-fils est un faux pas qui risque de faire répudier la jeune mariée", poursuit Jeanine. Après le consentement mutuel, le jeune homme n'a pas besoin de rappeler à sa fiancée qu'elle doit apporter le vélo à son mariage, "on sait qu'il est indispensable au risque de se faire chasser ou d'être en mauvais termes avec la belle-famille", assure Chantal, une jeune enseignante qui craint que pour son mariage, vu son statut, on exige d'elle une motocyclette.
Selon les gens de la région, le vélo est depuis longtemps entré dans le quotidien du Bugesera. C'est le moyen de transport le plus utilisé : il sert à puiser de l'eau, transporter les marchandises, les malades, les récoltes… A y regarder de plus près, on constate que les garçons sont plus attirés par l'aisance de la famille de leurs fiancées que par l'amour. "Soit la jeune fille et le jeune homme optent pour un mariage illégal, soit le mari devient polygame quand il n'est pas satisfait de l'apport de la première épouse. Il n'y a que des mariages de raison", ajoute Jeanine qui signale que cela entraine aussi toute une cohorte de conséquences : violences familiales, problèmes de succession, maladies sexuellement transmissibles...
Des familles ruinées
Par ailleurs, certaines jeunes filles ont des enfants adultérins et sont obligées de rester au sein de leurs familles toute leur vie. D'autres, de condition moyenne, si elles ne trouvent pas de jeunes de même condition, sont obligées de coiffer sainte Catherine car "pour une jeune fille, contracter un mariage légal est une cause de paupérisation de la famille. Que devient le reste de la famille après avoir mis à sec les biens familiaux", questionnent-elles.
Assise devant son étalage de légumes, Joselyne affirme, lors de son mariage, il y a cinq ans, elle a laissé sa famille très endettée. "En plus de l'indispensable vélo, des habits et autres objets de ménage, j'ai dû apporter également un matelas, un poste de radio que mon fiancé exigeait. Ma famille a dû contracter des dettes", se rappelle-t-elle tristement. "Aujourd'hui, les filles provoquent sont l'érosion des biens de la famille. Pour mes deux filles que j'ai mariées, j'ai dû vendre la moitié de ma parcelle ", indique un sexagénaire de la cellule Nkanga affichant son regret.
Le bonheur de marier sa fille se trouve ainsi altéré par l'idée que le patrimoine familial doit en pâtir. Selon J. Uwanyiligira, "C'est la femme qui subit toutes les retombées de "ces mariages de raison". Les choses devraient changer ! Soit le jeune homme double la somme versée comme dot soit on allège le fardeau que porte la jeune fille". Mais, s'avise-t-elle, pour un mariage viable une révolution des mentalités s'impose. Toutes les jeunes filles pourront espérer avoir un jour un mari de leur choix, le nombre de bâtards en serait réduit, les violences familiales et la polygamie aussi. A l'autorité et au législateur de prendre les choses en mains. "Nous faisons des rapports mais, conclut-elle, un plaidoyer devrait être mis en branle en vue de rétablir la femme du Bugesera dans ses droits."
ENCADRE
Rwanda
Choisir un régime matrimonial sans le comprendre
Communauté des biens, communauté des biens acquis, séparation des biens… Comment bien choisir parmi les régimes matrimoniaux avant le mariage quand on ne les connaît pas.. "Ce n'est que juste le jour du mariage que les autorités de l'Etat civil prennent quelques minutes pour expliquer au couple le fonctionnement de ces trois régimes, et le couple choisit l'un d'eux. Parfois, les couples ne prennent pas le temps suffisant pour d'abord en discuter", dit un activiste des droits de l'homme de Kigali. "Moi et ma femme avons choisi la communauté des biens. Je l'ai choisi, parce que je voyais que tout le monde l'avait fait et je ne savais pas que je pouvais choisir la séparation des biens avec ma femme" dit un homme de Kigali qui regrette ce choix" Une autre aussi s'explique: " On a choisi le régime de communauté des biens. On ne pouvait pas les séparer. Ça aurait été un scandale." Pour cette femme, séparer les biens n'est pas dans la culture rwandaise, c'est une affaire de Blancs.
Certains découvrent ces différents régimes le jour même du mariage et ils choisissent sur place. "Des fois, ils sont des dizaines de couples et tous doivent répondre en masse", fait remarquer Karinganire, un sociologue qui affirmen qu'en réalité ils ne savent pas qu'ils sont en train d'engager leur vie. Mais en plus, certaines autorités les poussent à faire tel ou tel choix pour manifester qu'ils sont de vrais amants qui unissent non seulement leur corps mais aussi leurs biens… ce qui ne garantit pourtant pas l'union. "Il y a des couples qui reviennent après leur mariage, regrettant le choix qu'ils ont fait", note le Secrétaire exécutif du secteur Nyarugenge à Kigali. "En plus, renchérit-il, certains enregistrent leurs biens aux noms des autres membres de la famille et amis pour empêcher leur partenaire d'y avoir accès".
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