Enfin Kagame et Museveni se voient imposer le dialogue avec leurs rebelles !
Personne n'est dupe : Kagame résiste déjà, mais moins pour un baroud d'honneur que pour un chant de cygne…
« C'est le moment de s'attaquer à leurs causes sous-jacentes et d'y mettre définitivement fin. Il faut que le cynisme fasse place à l'optimisme et au courage pour que cette nouvelle tentative soit couronnée de succès là où d'autres ont échoué. Les gouvernements, les populations de cette région et la communauté internationale doivent, une fois de plus, croire en la possibilité de réaliser la paix et être déterminés à prendre les mesures nécessaires pour l'obtenir ».
Lorsque Mary Robinson fait le 22 mai 2013 cette déclaration à l'étape de Kinshasa de la tournée de Ban Ki-Moon dans les Grands-Lacs, on est tous loin d'imaginer l'évocation et la dénonciation, quatre jours seulement plus tard, de ce cynisme par le chef de l'Etat tanzanien Jakaya Kikwete, le dimanche 26 mai 2013 à Addis-Abeba, au cours d'une réunion à huis clos tenue en marge du 21ème sommet ordinaire de l'Union africaine coïncidant, comme on le sait, avec le 50ème anniversaire de la création de l'organisation continentale.
Dans sa dépêche du même dimanche, Rfi signale que le Président de la République Unie de Tanzanie a dit trois choses à ses pairs : « D'abord, la brigade spéciale de l'ONU est une bonne chose, mais cela ne règlera pas le problème de fond, qui est politique. Ensuite, le président tanzanien a insisté sur la nécessité d'une reprise du dialogue entre le gouvernement congolais et le M23.
Enfin, et surtout, pour lui, un tel dialogue ne suffira pas. Si Kinshasa négocie avec ses ennemis du M23, il faut aussi que Kigali accepte de parler avec ses ennemis des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), et Kampala avec les rebelles ougandais de l'ADF-NALU. Pas de paix durable, sans négociation globale ».
Rfi rapporte qu'« A ces mots, le chef de l'Etat rwandais, Paul Kagame, n'a pas bronché. Aucune réaction de sa part. « S'il n'a rien dit, c'est déjà ça », souffle un participant à cette réunion. « Jusqu'à présent, pour lui, les FDLR c'était le diable ». Paul Kagame n'a rien dit, mais Yoweri Museveni, lui, a réagi d'une seule phrase : « On discute avec ceux qui veulent discuter et on isole les autres ».
Que Paul Kagame n'ait pas, cette fois-ci, claqué la porte comme il l'a fait le 27 septembre 2012 à New York lors d'une rencontre similaire organisée en marge de la 67ème assemblée générale des Nations Unies, c'est qu'il a perdu de sa superbe. D'ailleurs, en évoquant tout récemment dans « Jeune Afrique » la possibilité de sa succession à la tête du Rwanda, il livre-là l'indice du début de la fin. De la sienne, s'entend !
Emanant alors d'un chef d'Etat honoré de recevoir dans les prochains jours son homologue américain Barack Obama avec qui il échangera à coup sûr sur la crise des Grands Lacs, la dénonciation du cynisme a de quoi interpeller les « puissances » impliquées dans l'insécurité qui sévit dans la sous-région des Grands Lacs, principalement à l'Est de la RDC. Faits affirmés du reste par diverses sources, mais cette fois-ci réaffirmés par le panel des experts de l'Onu dans son rapport du 15 novembre 2012.
Il faut bien l'admettre : c'est la première fois depuis la signature de l'Accord de Lusaka en 1999 que Paul Kagame et Yoweri Museveni s'entendent dire de façon aussi franche que directe, et en plus par un chef d'Etat en fonction, et encore devant le Secrétaire général des Nations Unies, l'obligation de négocier eux aussi avec leurs forces négatives !
Car, renchérit Jakaya Kikwata, le dialogue Gouvernement congolais et M.23 ne suffit pas pour ramener la paix dans la sous-région des Grands Lacs. A problème régional, solution régionale.
Kagame et Museveni sont donc invités à organiser à leur tour le dialogue inter-rwandais et le dialogue inter-ougandais sur le modèle du dialogue inter-congolais qu'ils avaient réussi à imposer aux Congolais – via la communauté internationale - pour (re) placer principalement les « filleuls » du Rcd dans les sphères du Pouvoir d'Etat.
Révolue, la période du plaidoyer…
Personne n'est dupe. Kagame résistera. D'ailleurs sa ministre des Affaires Louise Mishikwabo l'a fait dès le lendemain sur Rfi en s'adressant au président tanzanien sur un ton sarcastique. C'est tout aussi sûr : Museveni bronchera. Ce qui est déjà acquis, c'est qu'énormément d'eau coulera sous le pont avant de voir les ex-rebelles fléchir.
Mais les faits sont-là, têtus ! D'autant plus qu'il est établi que sans la présence en territoire congolais des Fdlr (issues des ex-Far et des milices Interhamwe) et des Adf-Nalu et autres Lra, le Rwanda de Paul Kagame et l'Ouganda de Yoweri Museveni ne pourraient pas parler de menace que « représente » la RDC pour leurs pays respectifs.
Or, les mêmes faits têtus renseignent que si le Zaïre de Mobutu est pour beaucoup dans l'infortune du Fpr au Rwanda à l'époque de Juvénal Habyarimana et en Ouganda sous Museveni au point de justifier le soutien de Kigali et de Kampala à la guerre de l'Afdl en 1996, la RDC, cette fois sous L-D. Kabila d'abord et J. Kabila ensuite, ne peut nullement être accusée de soutien aux groupes armés rwandais et ougandais cités dans l'Accord de Lusaka, en l'occurrence les ex-Far, l'Adf, la Lra, l'Unrf II, les milices Interahamwe, le Funa, les Fdd, le Wndf, le Nalu et l'Unita.
L'existence de ces mouvements insurrectionnels précède de loin l'apparition de l'Afdl. Honoré Ngbanda fera œuvre utile le jour où sa plume ou sa langue de patriote fera des révélations sur la naissance de ces groupes armés à l'époque où la RDC s'appelait encore Zaïre.
Ce qui est vrai, c'est que depuis le génocide rwandais de 1994, le peuple (du Zaïre-Congo) a subi les effets d'un génocide rwandais et d'une vendetta ougandaise dont il ne connaît ni les tenants, ni les aboutissant. Depuis, il paie le prix le plus fort en termes de morts, de déplacés internes, de réfugiés et de destruction de l'environnement, tissu économique et social compris.
Depuis 1994, les dirigeants du Zaïre et de la RDC - notamment Léon Kengo et Gérard Kamanda sous Mobutu pendant la 1ère phase de la Transition, suivi de L-D. Kabila à partir de 1998 et de J. Kabila à partir de 2001– ont été de tous les rendez-vous où il a été question de discuter paix en RDC, paix dans les Grands Lacs !
Il suffit de lire le préambule de l'Accord de paix conclu entre le Gouvernement de la RDC et le Cndp en mars 2009 pour mesurer le chemin parcouru. Des références sont faites au Pacte de la Sécurité, de la Stabilité et du Développement dans la Région des Grands Lacs signé le 15 décembre 2006 à Nairobi, au Communiqué Conjoint de Nairobi du 9 novembre 2007, aux Actes d'engagement signés à Goma le 23 janvier 2008 à l'issue de la Conférence sur la Paix, la Stabilité et le Développement dans les provinces du Nord Kivu et Sud Kivu, ainsi que les résolutions de ladite conférence, aux résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité, notamment les résolutions 1843, 1856 et 1857 relatives à la situation sécuritaire au Nord Kivu, au renforcement de la MONUC et à son nouveau mandat et au Communiqué Conjoint du Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Région des Grands Lacs tenu à Nairobi le 7 novembre 2008.
Auparavant, il y a eu l'Accord de Lusaka, le Dialogue intercongolais, les Accords de paix avec l'Ouganda et le Rwanda. L'aventure du M.23 a suscité d'autres négociations au nombre desquelles celles du processus de Kampala : deux Sommets de la SADC, un Forum de Haut Niveau qui a réuni 24 entités, Etats et organisations à l'initiative du Secrétaire Général des Nations Unies, une rencontre tripartite RDC-Rwanda-Usa, deux résolutions du Conseil de Sécurité et trois déclarations de son Président.
La machine diplomatique ne s'est pas arrêtée pour autant : en cette année 2013, Joseph Kabila a été à Brazzaville puis à Oyo au Congo voisin. Il a fait le déplacement d'Addis-Abeba à deux reprises en janvier et en février pour l'accord-cadre engageant les 11 pays membres de la Cirgl et l'Onu. Il s'est rendu en Angola, en Afrique du Sud, au Mozambique et en Tanzanie toujours pour rechercher la paix.
Joseph Kabila a trop donné, et cela tous les décideurs du monde - notamment ceux dont se réclament Kagame et Museveni - le savent.
Toutes les concessions d'ordre politique et sécuritaire ont été faites, parfois au prix gênant de passer les Kabila pour des traîtres. Parmi les concessions, on peut citer l'intégration (souvent la réintégration), dans les forces armées et les institutions politiques gouvernementales, des rebelles et mutins parrainés ouvertement par Kigali et Kampala.
Finalement - au travers de l'exemple du M.23 - rares sont les insurgés à avoir assumé le sens de l'intégration ou de réintégration. Au contraire, la majorité a récidivé au point d'amener Mary Robinson à déclarer révolue l'époque où, au nom de la paix, la communauté internationale imposait à Kinshasa des schémas favorables aux rebelles.
Retour de manivelle…
A l'heure de vérité, il ne reste à Kagame et à Museveni que de réaliser l'effet boomerang de leur dernière aventure en RDC via le M.23. A cause de cette aventure impliquant bien des hauts dirigeants rwandais et ougandais cités dans le rapport du panel des experts de l'Onu, Kigali et Kampala ont vraisemblablement commis la faute qu'ils n'auraient jamais dû commettre.
Ce ne serait d'ailleurs pas étonnant d'apprendre, dans les jours qui viennent, un savon passé aux dirigeants du M.23. Car Kagame et Museveni sont désormais mal placés pour imposer ou pour recommander à Kinshasa la poursuite des négociations avec le M.23 sans qu'ils ne s'entendent interpelés eux-mêmes.
Pour autant qu'elle engage alors Kagame, Louise Mishikwabo a beau présenter les Fdlr en génocidaires, elle a beau dénoncer les « sympathies » que ces derniers suscitent en Occident et dans la sous-région des Grands Lacs (ça, c'est nouveau), elle finira bien par se retrouver devant le fait accompli : Kigali négociera tôt ou tard avec son Opposition. Mme Louise doit avoir assez de lucidité pour sentir le retour de manivelle…
Omer Nsongo die Lema
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