Des incidents frontaliers se sont multipliés ces derniers jours à la frontière rwando-congolaise. Il y a eu morts d'hommes suite à des échanges de tirs. Des exécutions sommaires des dizaines de soldats congolais capturés sont signalées par les autorités militaires de la RDC.
Afin d'éviter une escalade qui conduirait à une guerre ouverte, les pays de la région des Grands Lacs sont venus à la rescousse pour aider le Rwanda et la RDC à résoudre le conflit. Leur rapport du 17 juin est accablant pour le Rwanda : les enquêteurs du bureau de mécanisme conjoint n'ont pas pu vérifier les allégations avancées par la partie rwandaise. Cette mise en cause a hérissé le Rwanda qui n'a pas voulu signer ce rapport pourtant paraphé par huit autres pays de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et par des représentants de la MONUSCO.
Pourquoi cette nième attaque du Rwanda contre la RDC ?
De prétexte en prétexte, le Rwanda n'a cessé, depuis bientôt deux décennies, de violer impunément la souveraineté de la RDC. La première attaque du Rwanda contre son géant voisin date de 1996 sous prétexte de démanteler les camps de réfugiés hutu. Il s'en est suivi, en 1998, la coalition du Rwanda et de l'Ouganda, l'AFDL interposée, pour chasser le maréchal Mobutu et introniser Laurent Désiré Kabila avec comme chef d'Etat-major, le gén
éral James Kabarebe, actuel ministre de la Défense du Rwanda. Quand Kabila a voulu se défaire de la mainmise rwandaise, il a été assassiné par des hommes de main de Paul Kagame. Un certain Joseph Kabila, une création du FPR (parti au pouvoir au Rwanda), remplaça son père à la tête de la RDC.
Depuis lors, le Rwanda n'a jamais quitté le Congo. Il a occupé de facto les deux Kivu, y a tout contrôlé et a mis sur pied des couloirs terrestres et aériens pour drainer les richesses minières de ce pays vers Kigali. Un bureau dit « Congo Desk » fut même créé au sein des services de sécurité rwandais, en charge de la gestion des revenus colossaux tirés de ce pillage. Des millions de dollars étaient ainsi perçus chaque jour. Une partie allait dans les poc
hes des grands caciques au sommet de l'Etat et une autre contribuait aux dépenses militaires estimées, en 2002, autour de 320 millions de dollars ; les transactions à l'origine de ces recettes étaient opérées à l'abri du regard des organisations internationales.
Pour pêcher en eau trouble, Kigali a créé des rébellions dans le Kivu. Le gouvernement central de Kinshasa n'a pas eu d'autres choix que de reconnaître leur légitimité et ainsi intégrer leurs combattants dans l'armée nationale. Elles on
Reculer pour mieux sautert pour nom la RCD/Goma d'Azarias Ruberwa, le CNDP de Laurent Nkunda, le M23 de Sultan Makenga,… De « mixage » au « brassage » en passant par l' « intégration », l'armée congolaise a été gonflée de milliers de soldats du FPR sous le couvert des « Banyamulenge ». Cette infiltration massive a été renforcée quand la RD-Cogo a accepté que l'armée rwandaise débarque officiellement dans les provinces de l'Est pour des opérations conjointes en vue de déloger les combattants hutu des DFRL. Ces opérations punitives sont : « Umoja Wetu », « Amani Leo », « Kimia I », « Kimia II », « Hatuwa ya Maana », …
La dernière rébellion soutenue par le Rwanda est le M23. Elle a fait des ravages au Kivu. Il a fallu des rapports des experts de l'ONU pour montrer que le Rwanda agresse la RDC via le M23. Les pays africains, dont l'Afrique du Sud et la Tanzanie, sont intervenus. L'armée rwandaise et ses « rebelles » ont été vaincus et sont retournés au bercail. Mais cette trêve est de courte durée car une autre rébellion se prépare et ces incidents frontaliers sont un bon exercice pour tester la réaction des acteurs sur le terrain et la communauté internationale.
Le retour au Congo est vital pour les membres du groupuscule du FPR au pouvoir au Rwanda. Ils ont bénéficié des retombées financières des pillages des richesses naturelles de la RDC (or, diamant, coltan, bois précieux,..). Cet argent facile leur manque depuis que le M23 a été bouté hors des frontières congolaises en novembre 2013 et leur train de vie en a subi un coup. Il y a de la nervosité dans leurs rangs. La solution : reconquérir le Kivu et regagner des millions de dollars qui manquent pour faire leur bonheur.
Zédoc Bigega
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