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Tuesday, 29 March 2016

[haguruka.com] Amoureuse d’un migrant : « M’a-t-il aimée ? M’a-t-il utilisée ? »

 

Amoureuse d'un migrant : « M'a-t-il aimée ? M'a-t-il utilisée ? »

LE MONDE |  • Mis à jour le  | Par 
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Témoignage. Une mère de famille a aidé son compagnon, un migrant arrivé du Cachemire, à entrer au Royaume-Uni. Elle a ensuite continué à faire passer des réfugiés, jusqu'à son arrestation.
image: http://s2.lemde.fr/image/2016/03/28/534x0/4891013_6_3333_dans-la-jungle-de-calais-en-fevrier-2016_e3a7bb7b43a47cea79ce95ababfe4fa6.jpg
Dans la "jungle" de Calais, en février 2016.

Témoignage d'une mère de famille tombée amoureuse d'un migrant, qu'elle a aidé à rejoindre le Royaume-Uni, avant deperdre sa trace et d'être arrêtée.

« J'ai été amoureuse d'un migrant. Je l'ai aidé à passer en Angleterre et, depuis, je suis sans nouvelles de lui. M'a-t-il aimée ? M'a-t-il utilisée ? C'est une vérité que je ne veux pas connaître. Elle se situe quelque part dans cette zone aussi grise que le ciel de Calais, où je l'ai rencontré début 2015.
Ce jour de janvier, j'ai les bras chargés de pulls et de pantalons usés quand je rejoins les bénévoles pour la distribution de vêtements aux réfugiés de la "jungle". Il est là, au milieu d'une trentaine d'autres, on dirait qu'il a enfilé toute sa valise sur lui. Il me semble un peu jeune, m'aborde, me demande mon prénom dans un anglais d'aéroport. J'ai 48 ans, lui 26. Il vient du Cachemire. Il a de grands yeux marron, l'iris se distingue mal de la pupille, on dirait qu'il a du mascara permanent sur ses grands cils. Devant sa cabane, j'apprends qu'il est arrivé tout seul, à 15 ans, en Europe, en Allemagne d'abord, et qu'il était cuisinier. Il me demande mon numéro, on a 20 ans et deux continents d'écart, mais je dis oui.
Le soir même, coup de téléphone. Mes deux fils dorment à l'étage, mon ex-mari est parti il y a deux ans. Il ne me verse pas la pension de 90 euros par mois. La CAF voudrait que je porte plainte contre lui pour abandon d'enfants. Ce réfugié, c'est peut-être la récompense du destin.
« UN JOUR D'ÉTÉ, DANS UN CAFÉ DE CALAIS, IL SANGLOTE. JE PRONONCE LA PHRASE MAGIQUE : "JE T'EMMÈNE EN ANGLETERRE." »
On s'est très vite embrassés. C'est génial, je revis, on se voit et s'aime partout, dans les parcs, les cafés, chez moi parfois, même si je ne veux pas qu'il s'y installe, il y a mes enfants. Et puis c'est un migrant, c'est compliqué à assumer. Il est beau et doux, mais parfois son regard s'assombrit. Depuis un an et demi qu'il traîne à Calais, il ne sait plus quoi faire de sa vie. Il n'arrive pas à passer en Angleterre, je me dis qu'il n'essaye pas vraiment à cause de moi, qu'on pourrait se marier même si je ne suis pas encore divorcée.
Un jour d'été, dans un café de Calais, il prend mes mains dans les siennes, passe ses doigts sur ma joue, ma mère m'a toujours dit : un homme qui te caresse le visage est amoureux de toi, c'est pour imprimer ta beauté. Il sanglote comme un enfant : "Je sers à rien, j'en peux plus d'errer." Je prononce la phrase magique : "Je t'emmène en Angleterre." Ça faisait longtemps que je la retournais dans ma tête. Je n'avais pas encore réussi à la verbaliser, de peur de le perdre, de peur qu'il m'utilise. J'enchaîne sur les détails techniques, je ne veux pas me donner le temps de retirer ma proposition : "Viens, on prend ma voiture, on va au terminal ferry." Dans l'heure, j'achète un billet.
Il se glisse dans le coffre, on passe trois contrôles. Aucun agent de police, ni côté français ni côté britannique, n'inspecte ma voiture. A Douvres, au détour d'une ruelle, je le libère.
"On est en Angleterre, my love, regarde les falaises.
– Je ne pensais pas que ça serait aussi facile !"
On était tellement heureux, on vivait la liberté. Je l'emmène à Birmingham, en banlieue de Londres, où il a un vague cousin. Le lendemain, je rentre en France. Il m'écrit le soir même, m'engloutit de smileys, de baisers, d'empressement, de compliments. Je suis sa princesse, l'amour de sa vie, il faut très vite se revoir, il faut aussi que la prochaine fois j'emmène dans mon coffre le frère d'un ami et son copain, et qu'à eux aussi j'offre la liberté, le grand frisson anglais. Début août, je récupère deux passagers à la gare de Calais. Café, coffre, bateau, duty free aux couleurs criardes, falaises de Douvres. L'un des deux passagers embrasse le sol, l'autre me donne un billet de 20 euros. Je les conduis à Birmingham, où je retrouve mon amoureux. Il vit dans une maison délabrée, à six par chambre, il a un petit boulot de serveur au black dans un fast-food indien. Je le sens plus épanoui, je suis fière de l'avoir aidé. On fait plein de projets, ouvrir un restaurant ensemble en Angleterre, ou pourquoi pas en Inde. Mais, pour l'heure, mes enfants m'attendent pour la rentrée des classes.
« FIN SEPTEMBRE, IL M'IMPOSE TROIS PERSONNES. JE NE RÉFLÉCHIS PLUS, J'AI TELLEMENT ENVIE DE LE VOIR ! »
A l'automne, ses déclarations d'amour enflammées sont accompagnées d'autres demandes de convoyage. Je ne dois pas venir "à vide", mon coffre doit être rempli de ses connaissances. Fin septembre, il m'impose trois personnes. Je ne réfléchis plus, j'ai tellement envie de le voir ! Au contrôle, je présente mon billet et ma carte d'identité. "Vous pouvez ouvrir votre coffre, s'il vous plaît ?" Je sais que c'est la fin. J'ouvre le coffre ; à l'intérieur, mes trois passagers recroquevillés se déplient, sortent l'air penaud. On attend les officiers de la police aux frontières pour notre mise en garde à vue. "ASI", comme ils disent, aide au séjour et à l'entrée irréguliers des étrangers.
Avant d'être embarquée, j'ai eu le temps d'envoyer un message à Birmingham. "I had a problem I can't come to you right now, I'll give you news ASAP." ("j'ai un problème, je ne peux pas te rejoindre pour le moment, je te tiendrai au courant dès que possible"). Cela sera notre dernier échange. Il a craqué sa puce à la seconde où il a reçu mon texto, je n'aurai plus jamais de ses nouvelles. Envolés les projets de restaurant, l'Angleterre, l'Inde, le grand déménagement, la vie de couple. La réalité, c'est la garde à vue au commissariat de Coquelles (Pas-de-Calais), quarante-huit heures entre une cellule sale et le banc de la salle d'audition.
« "VOUS AVEZ TOUCHÉ COMBIEN PAR PASSAGER ? 800 ? 1 000 ? 1 300 EUROS ?", ME DEMANDENT LES POLICIERS.
Les policiers me crient dessus, pensent que je fais du trafic d'êtres humains. Un fonctionnaire me montre la photo du petit Aylan, mort échoué sur une plage turque. "Vous êtes responsable de ça ! Vous savez que vous risquez cinq ans de prison ? Vos enfants vont être placés ; quand vous sortirez, vous ne les reconnaîtrez plus." Je panique, reconnais un passage, puis un deuxième, mais surtout pas celui de mon compagnon, je ne veux pas le mettre en danger. "Vous avez touché combien par passager ? 800 ? 1 000 ? 1 300 euros ?" On se croirait aux enchères, avec mon avenir judiciaire sous le marteau du commissaire-priseur. Je finis par valider les 1 300 euros pour pouvoir retourner dans ma cellule, alors que je n'ai jamais touché un centime de ces passages. Ils appuient là où ça fait mal : "Votre « compagnon », comme vous dites, il s'est servi de vous. Vous avez vingt ans d'écart, vous pensez sérieusement qu'il vous aimait ? Il vous a utilisée comme une mule, il a gagné plein d'argent sur votre dos."
« MON AVOCATE PLAIDE MA DÉPRESSION, MES DEUX ENFANTS, MONHISTOIRE D'AMOUR RATÉE. SIX MOIS DE PRISON AVEC SURSIS. »
La suite n'est qu'un long calvaire judiciaire. Je suis transférée à la prison de Lille, puis comparution immédiate au tribunal de Boulogne-sur-Mer. La procureure me traite de passeuse. Je ne suis pas une délinquante, je n'ai jamais vu d'arme de ma vie ; je proposais juste une aide, un bout de coffre contre une vie meilleure. Mon avocate plaide ma dépression, mes deux enfants, mon histoire d'amour ratée. Six mois de prison avec sursis. Le lendemain, ma mère m'attend à la sortie de la prison. Elle a passé la semaine entre la garde de mes enfants et le parking du commissariat, où elle restait dans sa voiture, juste à être là, pas loin, pour me soutenir. Elle a appelé toutes les associations de Calais. Personne n'a voulu aider cette bénévole "qui est allée trop loin".
Photos, messages, lettres, j'ai tout détruit. Est-ce qu'il m'a utilisée ? On est quand même restés six mois ensemble avant que je l'emmène en Angleterre. Et c'est moi qui lui ai proposé le premier passage. » 

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Posted by: Alfred Nganzo <alfrednganzo@yahoo.com>
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-Ce dont jai le plus peur, cest des gens qui croient que, du jour  au lendemain, on peut prendre une société, lui tordre le cou et en faire une autre.
-The hate of men will pass, and dictators die, and the power they took from the people will return to the people. And so long as men die, liberty will never perish.
-I have loved justice and hated iniquity: therefore I die in exile.
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-“The root cause of the Rwandan tragedy of 1994 is the long and past historical ethnic dominance of one minority ethnic group to the other majority ethnic group. Ignoring this reality is giving a black cheque for the Rwandan people’s future and deepening resentment, hostility and hatred between the two groups.”

-« Ce dont j’ai le plus peur, c’est des gens qui croient que, du jour au lendemain, on peut prendre une société, lui tordre le cou et en faire une autre ».

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