Tel que cela avait été annoncé, le président Paul Kagame a tenu une conférence à Toronto ce samedi 28 septembre dans le cadre de l'événement «Rwanda Day 2013». Étant donné qu'aucun hôtel n'avait accepté d'héberger cet événement de peur de nuire à ses affaires en raison du lourd dossier criminel du président rwandais, celui-ci a dû prononcer son discours dans un hangar d'un marché du parc Downsview en banlieue de Toronto. Il a dû également faire face à des manifestants en colère dont certains n'ont pas pu se retenir et lui ont lancé des œufs et des pierres.
La visite du président Kagame avait été dénoncée par des organisations de ressortissants de la région des Grands Lacs Africains qui avaient demandé au gouvernement canadien de ne pas lui accorder de visa d'entrée en raison de crimes de guerre, de crime contre l'humanité et de génocide dont il est accusé.
Ces graves violations des droits de la personne sont très bien documentées par des experts des Nations Unies ainsi que par de grandes organisations de défense des droits de la personne. Le président rwandais ayant malgré tout pu entrer au Canada, les opposants à sa visite se sont organisés pour lui exprimer leur indignation. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont gagné leur pari.
De nombreux ressortissants de la région des Grands Lacs africains, Burundais, Congolais, Rwandais, Tanzaniens ainsi que des Canadiens de souche ont mené une intense campagne d'information, et tous les hôtels qui avaient été approchés pour héberger la conférence du président Kagame ont décliné l'offre.
Après avoir essuyé ce revers, les organisateurs du «Rwanda Day 2013» ont dû se rabattre sur un hangar du marché situé au parc Downsview en banlieue de Toronto. Les opposants à la visite de Kagame s'y sont rendus et se sont scindés en plusieurs groupes pour pouvoir être présents à chacune des nombreuses entrées qui y donnent accès.
Leurs pancartes montraient des images de victimes du régime de Paul Kagame. Nombre de ces images, telle que celles de scènes de torture et de femmes qu'on amenait violer, étaient insoutenables. Certains manifestants congolais racontaient, les larmes aux yeux, que leurs mères et leurs sœurs avaient été victimes de viols collectifs de la part des rebelles du M23 soutenus en hommes, armes et munitions par le régime de Paul Kagame.
En signe de protestation contre ces actes ignobles faites aux femmes, trois jeunes membres du mouvement « Femen » du Québec (deux jeunes dames québécoises et un jeune homme québécois) se sont dénudés le haut du corps. Sur leurs poitrines on pouvait lire : "Kagame coupable de viol" en langue anglaise (Kagame guilty of Rape).
La manifestation de Toronto vient s'ajouter à la liste de beaucoup d'autres qui ont accueilli le président rwandais dans ses déplacements en Amérique du Nord et en Europe. Mais cette fois-ci, contrairement à ses habitudes, M. Kagame n'a dénigré ni les manifestants, ni ses opposants, dans le discours de circonstance qu'il a prononcé devant ses partisans dont beaucoup l'avaient accompagné à partir de Kigali. Il a même mentionné qu'un « cadre pour débattre des idées est nécessaire et personne ne peut s'y opposer».
Bien que timide, ce changement de ton en a surpris plusieurs qui l'appellent désormais «l'effet Kikwete». De fait, en marge du 21ième sommet de l'Union Africaine du 26 mai 2013 à Addis-Abeba, le président Jakaya Kikwete de la Tanzanie avait soutenu que, pour ramener la paix dans la région des Grands Lacs africains, il fallait que tous les pays impliqués dans la guerre au Congo acceptent d'engager un dialogue avec les rebelles opposés à leurs régimes.
Face à cette proposition, le régime de Kigali avait réagi avec virulence et le président Kagame avait même publiquement menacé d'attenter à la sécurité du président Kikwete.
Cependant, la proposition de négociations générales est prise très au sérieux par les acteurs impliqués dans la recherche de solution à la crise au Congo. Le président Kagame serait-il en train de se rendre à l'évidence qu'il ne pourra pas continuellement refuser de s'assoir à la même table que l'opposition? Ce serait une évolution positive et un pas vers la paix dans la région des Grands Lacs Africains.