La résolution 2098 du Conseil de sécurité de l'ONU créant  une brigade spéciale d'intervention rapide pour combattre les groupes armés en RDC ne fait pas l'unanimité dans la région des Grands Lacs. Quand à Kinshasa, on applaudit, à Kigali, par contre, l'on boude et l'on s'agite. Et pour cause. La résolution 2098 pourrait rendre inappropriées les conclusions des pourparlers de Kampala et lier ainsi le sort du M23, filleul de Kigali.
 
Après des hésitations dans ses rangs, exprimées particulièrement par la Chine et la Russie, le Conseil de sécurité des Nations unies a pu finalement dépasser ses clivages internes en adoptant, le jeudi 28 mars 2013 à New York, une résolution que tous les observateurs n'hésitent pas à qualifier d'historique. Pour la première fois, une brigade de l'ONU sera dotée d'un mandat offensif dans l'Est de la RDC. La résolution 2098, adoptée à l'unanimité de ses quinze membres, consacre ce principe.

La brigade sera intégrée au sein de la Mission des Nations unies en pour la stabilisation de la RDC (Monusco). Elle comprendra notamment trois bataillons d'infanterie, une compagnie d'artillerie, une force spéciale et une compagnie de reconnaissance qui aura pour responsabilité de neutraliser les groupes armés.  Le Conseil de sécurité a également prorogé d'un an, jusqu'au 31 mars 2014, le mandat de la Monusco.  La résolution 2098 dote, en effet, la brigade d'intervention rapide d'un mandat offensif afin d'empêcher l'expansion des groupes armés, de les neutraliser et de les désarmer. 

Parmi ces groupes opérant dans l'Est de la RDC et au-delà de ses frontières, le M23, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), les Forces démocratiques alliées, l'Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS), l'Armée de résistance du seigneur (LRA) et les Maï-Maï. Ces groupes armés sont accusés par le Conseil de sécurité de graves atteintes aux droits de l'Homme, notamment des exécutions sommaires, des violences sexuelles et le recrutement et l'emploi à grande échelle d'enfants dans les conflits armés.
 
Kinshasa attendait une telle décision depuis plusieurs mois. Mais, des dissensions apparues au sein du Conseil, notamment sur l'opportunité d'une telle brigade et surtout son opérationnalité, l'ont retardée. L'on craignait que les discussions s'étirent en longueur au sein du Conseil de sécurité, en donnant l'occasion au Rwanda, qui assure la présidence tournante du Conseil de sécurité dès le 1er avril 2013, de geler cette résolution. Les membres du Conseil de sécurité semblent avoir pris en compte cette difficulté en parvenant, bien avant cette échéance à dissiper leur malentendu.

Versions croisées

Présent à New York au moment de l'adoption de cette résolution, Raymond Tshibanda, ministre congolais des Affaires étrangères, a salué l'option levée par l'ONU. « Nous avons la conviction qu'elle aidera à faire la différence, et que bientôt, les forces négatives et les groupes armés ne seront plus qu'un mauvais souvenir », a-t-il indiqué. « Avoir une brigade d'intervention qui, d'elle-même, peut engager des combats contre les groupes armés ; en cela, c'est en effet une innovation. Mais, je crois que ce qui va compter, au-delà du texte c'est ce qui va se passer sur le terrain. Nous verrons si cette innovation sera un précédent ou, tout simplement, nous ne la renouvellerons pas », a-t-il poursuivi.

Si à Kinshasa, les autorités politiques ont unanimement salué cette résolution, promettant tout leur soutien à sa mise en œuvre, à Kigali, par contre, on boude et émet des réserves. Tout en saluant la résolution, le Rwanda a insisté sur la nécessité de s'assurer de l'impartialité de la composante militaire de la Monusco. En effet, Kigali voit d'un mauvais œil le fait que cette brigade spéciale d'intervention agisse sous l'égide de la Monusco. Les réticences de Kigali envers la Monusco sont nées avec le rapport du groupe d'experts des Nations unies sur la RDC. Dans ce document, les experts des Nations unies mettent en cause le soutien du Rwanda et, dans une certaine mesure, l'Ouganda, au M23.
 
Dans un communiqué transmis à la presse, le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, a salué la création par l'ONU de cette brigade spéciale d'intervention. « La RDC se réjouit de ce vote qui marque un tournant décisif pour le rétablissement de la paix et de la sécurité dans le Kivu », a-t-il affirmé. Il a exprimé toute sa gratitude à la communauté internationale, notamment la France et les Etats-Unis, « pour le soutien apporté à ce texte et au déploiement de la brigade d'intervention qui pourra imposer la paix ». Pour lui, le renforcement de la Monusco marque « le début de la fin des groupes armés et un signal très clair envoyé à ceux qui les soutenaient. Cette époque doit être révolue ».

La dynamique d'Addis-Abeba

La création d'une brigade d'intervention répond à une recommandation du secrétaire général. Le Conseil se prononcera sur le maintien de sa présence en fonction des résultats qu'elle aura obtenus et des progrès que le gouvernement congolais aura accomplis dans la création d'une « force de réaction rapide » capable de prendre le relais de la brigade d'intervention dans la mise en œuvre de l'Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région.

Le 24 février, 11 pays de la région avaient signé ce document qui les engage à protéger la souveraineté territoriale de la RDC et à préserver la paix et la stabilité dans ce pays. En marge de la résolution 2098, le Conseil de sécurité a exigé aujourd'hui des États signataires qu'ils honorent leurs engagements de bonne foi. Pour s'en assurer, il a encouragé la mise en place rapide d'un mécanisme de suivi régional « 11+4 » impliquant les dirigeants de la région, sous les bons offices des quatre garants de l'Accord-cadre, que sont l'ONU, l'Union africaine, la CIRGL et la SADC.

Le Conseil de sécurité a préconisé en outre un « mécanisme national de contrôle » afin d'accompagner et de superviser la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de la réforme de la RDC. Récemment nommée par le secrétaire général, l'envoyée spéciale pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, est chargée par le Conseil de diriger, coordonner et évaluer l'application des engagements pris au titre de l'Accord-cadre. Elle est invitée à conduire un processus politique global ouvert à toutes les parties prenantes en vue de remédier aux causes profondes du conflit dans la région.

Les signataires de l'Accord-cadre sont notamment tenus de ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures des pays voisins; de ne tolérer aucun type de groupe armé ni fournir d'aide ou d'appui à ces groupes; et de ne pas offrir de refuge ou de protection de quelque type que ce soit aux personnes accusées de crimes graves.

Dans une déclaration transmise par son porte-parole à l'issue de cette réunion du Conseil de sécurité, le secrétaire général Ban Ki-moon a salué l'adoption de cette résolution « importante », « qui propose une approche nouvelle et globale en vue de s'attaquer aux causes profondes de l'instabilité dans l'Est de la RDC et dans la région des Grands Lacs ». « Le secrétaire général espère que le renforcement du mandat de la Monusco, qui prévoit également la création d'une Brigade d'intervention pour répondre au problème des groupes armés, contribuera à la restauration de l'autorité de l'Etat et au retour à la stabilité dans l'Est de la RDC », indique son porte-parole.

Le Potentiel